A Gaza, Israël a transformé les hôpitaux et personnels médicaux en cibles privilégiées afin d’anéantir tout espoir. Tous les crimes contre l’humanité perpétrés depuis plus de 15 mois par l’armée d’occupation seraient impossibles sans la complicité de nos élites et médias, qui ont occulté durant des décennies la véritable nature d’Israël, et rivalisent de zèle négationniste face à un génocide méthodique, manifeste et assumé. Résistons à la désinformation et à la déshumanisation de tout un peuple !
« Le but d’Israël n’est pas d’éradiquer “les terroristes” mais de transformer Gaza en un désert, un paysage d’enfer, où aucune personne de bien, aucune personne qui se soucie des autres, aucune personne tentant de s’accrocher à son humanité, ne peut survivre. Un lieu où les médecins n’existent plus, où les travailleurs humanitaires ne sont qu’un souvenir, et où la compassion est une faiblesse ; un endroit gouverné par des chars et des gangs criminels.
Le rôle de la classe politique et médiatique occidentale est de rendre tout cela aussi routinier et normal que possible. Leur travail est de nous anesthésier, de vider notre capacité à nous soucier des autres ou à résister, de nous engourdir. Nous devons leur prouver qu’ils ont tort – pour le bien du Dr Abu Safiya et pour le nôtre. »
Par Jonathan Cook, Middle East Eye, 8 janvier 2025
Traduction et notes entre crochets Alain Marshal
S’il est une image de 2024 qui a marqué l’actualité de l’année, c’est celle-ci : le Dr Hussam Abu Safiya, en blouse blanche, traversant les décombres de l’hôpital Kamal Adwan qu’il dirigeait – le dernier établissement médical d’importance encore debout dans le nord de Gaza – en direction de deux chars israéliens, leurs canons braqués sur lui.
L’année écoulée a été dominée par la mort et la destruction qu’Israël a infligées à cette minuscule enclave.
Elle a été marquée par le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens – et il s’agit seulement des morts identifiés – et par les mutilations infligées à au moins 100 000 autres ; par la famine imposée à toute la population ; par le nivellement systématique des paysages urbains et agricoles ; et par l’anéantissement méthodique des hôpitaux et du secteur de la santé de Gaza, y compris l’assassinat, l’arrestation massive et la torture de médecins palestiniens.
2024 a également été marquée par un consensus croissant parmi les instances juridiques et les organisations internationales des droits de l’homme : tout cela constitue un génocide.

Voici une image, prise dans les tout derniers jours de l’année, qui résume tout. Elle montre un médecin isolé – un homme qui avait risqué sa vie pour maintenir son hôpital opérationnel alors qu’il était assiégé par les forces israéliennes, frappé par les obus et les drones israéliens, et dont le personnel était abattu par des snipers israéliens – marchant courageusement vers ses exterminateurs et ceux de son peuple.
Il a payé un lourd tribut, tout comme ses patients et son personnel. En octobre, son fils Ibrahim, âgé de 15 ans, a été exécuté lors d’un raid israélien sur l’hôpital. Un mois plus tard, il a lui-même été blessé par des éclats d’obus lors d’une frappe israélienne sur le bâtiment.
Le 27 décembre, l’hôpital ne pouvait plus résister à l’assaut sauvage d’Israël. Lorsqu’un haut-parleur a ordonné au Dr Abu Safiya de se présenter devant les chars, il s’est mis en marche, sombrement, à travers les décombres.
C’est à ce moment-là que la lutte de l’hôpital Kamal Adwan pour protéger la vie a pris fin brutalement ; lorsque la machine de guerre génocidaire d’Israël a remporté une victoire inévitable contre le dernier bastion de l’humanité dans le nord de la bande de Gaza.
Détenu dans un camp de torture
Cette image est également la dernière connue du Dr Abu Safiya, prise quelques minutes avant sa soi-disant « arrestation » – en réalité, son enlèvement – par des soldats israéliens, suivie de sa disparition dans le système israélien de camps de torture [nos élites et médias continuent à caractériser comme des « otages » les détenus israéliens, même lorsqu’il s’agit de soldats, mais quant aux milliers d’otages palestiniens détenus arbitrairement par Israël, ils n’existent même pas à leurs yeux].
Après avoir affirmé pendant plusieurs jours qu’elle ignorait où il se trouvait, l’armée israélienne a finalement admis qu’elle le détenait au secret. Cet aveu semble n’avoir été formulé qu’à la suite d’une requête adressée aux tribunaux israéliens par un groupe local de défense des droits médicaux.
Selon un nombre croissant de rapports, Abu Safiya se trouve actuellement dans le plus tristement célèbre des centres de torture israéliens, Sde Teiman, où des soldats ont été filmés l’an dernier violant un détenu palestinien à l’aide d’une matraque jusqu’à ce que ses entrailles se rompent.
Lire Institutionnalisation du viol des détenus Palestiniens : le vrai visage d’Israël
On espère qu’Abu Safiya ne subira pas le même sort que son collègue, le Dr Adnan al-Bursh, ancien chef du service d’orthopédie de l’hôpital al-Shifa à Gaza. Après quatre mois de mauvais traitements dans la prison d’Ofer, al-Bursh a été abandonné par les gardiens dans la cour, nu de la taille aux pieds, en sang et incapable de se tenir debout. Il est mort peu de temps après.
Les rapports des agences de défense des droits de l’homme et des Nations unies, ainsi que les témoignages de gardiens ayant dénoncé les abus, font état de passages à tabac, de privations alimentaires, d’abus sexuels et de viols systématiques infligés aux prisonniers palestiniens.
Israël a accusé Abu Safiya, le pédiatre le plus renommé de Gaza, d’être un « terroriste » du Hamas. L’armée d’occupation a enlevé 240 autres personnes de l’hôpital Kamal Adwan qu’elle présente comme des « suspects de terrorisme » – parmi lesquels figureraient principalement des patients et du personnel médical – et qui sont détenus dans des conditions tout aussi horribles.
Une logique psychotique
Selon la logique psychotique d’Israël, toute personne travaillant pour le gouvernement du Hamas à Gaza – c’est-à-dire toute personne comme Abu Safiya employée dans l’une des principales institutions de l’enclave, comme un hôpital – est considérée comme un terroriste [et dans les faits, il ne s’agit pas seulement des fonctionnaires de toutes les administrations civiles, mais de tous les Palestiniens de sexe masculin âgés de 15 ans et plus].
Par extension, tout hôpital – puisqu’il relève de l’autorité du gouvernement du Hamas – peut être qualifié de « bastion terroriste du Hamas », comme Israël a désigné Kamal Adwan. Par conséquent, toutes les infrastructures médicales doivent être détruites, tous les médecins « arrêtés » et torturés, et tous les patients « évacués » de force.

Dans le cas de Kamal Adwan, les blessés, les malades graves et les femmes sur le point d’accoucher ont eu 15 minutes pour retirer leurs perfusions, sortir de leurs lits et rejoindre la cour dévastée. L’armée israélienne a ensuite incendié l’hôpital.
Une telle « évacuation » n’a qu’une seule conséquence : les patients sont abandonnés, mourant de leurs blessures, de leurs maladies, de malnutrition – et de plus en plus souvent, de froid.
Un nombre croissant de nourrissons succombent à l’hypothermie, tandis que leurs familles se blottissent durant les nuits hivernales sous des bâches, sans couvertures ni vêtements adéquats, dans les camps de tentes devenus le foyer de la majorité de la population de Gaza.
La photographie de la reddition d’Abu Safiya a montré de manière flagrante qui est David et qui est Goliath, qui est l’humanitaire et qui est le terroriste [mais pour nos élites et médias, l’épithète « terroriste » ne dépend pas des actes, si cruels et barbares qu’ils soient, mais de l’ethnie et de la religion, seuls des arabo-musulmans étant jugés « dignes » de ce qualificatif].
Surtout, elle a révélé comment les classes politiques et médiatiques occidentales ont passé les 15 derniers mois à promouvoir un mensonge flagrant sur Gaza. Elles n’ont pas cherché à mettre fin à l’effusion de sang, mais à la dissimuler, à la justifier.
C’est sans doute pour cela que l’image la plus marquante de 2024 a été à peine visible dans les médias dominants, et encore moins en première page, alors qu’Abu Safiya était enlevé par Israël et que son hôpital était détruit.
La plupart des rédacteurs en chef et éditeurs d’images étrangers – dépendants des salaires versés par leurs propriétaires milliardaires – ont préféré passer sous silence cette photo d’actualité de l’année. Les réseaux sociaux, en revanche, ne l’ont pas fait. Les utilisateurs ordinaires l’ont diffusée à grande échelle, comprenant parfaitement ce qu’elle montrait et signifiait.
La « guerre des consciences »
A la fin du mois dernier, Israël a annoncé qu’il consacrerait cette année 150 millions de dollars supplémentaires à ce qu’il appelle la « guerre des consciences ».
Autrement dit, Israël multiplie par 20 son budget pour intensifier ses campagnes de désinformation médiatique, visant à redorer son image alors que le massacre de Gaza se poursuit.
Israël a tué de nombreux journalistes à Gaza et interdit l’accès de ses « zones de mort » non déclarées aux correspondants étrangers. Mais à l’ère du direct via les smartphones, dissimuler un génocide s’avère bien plus difficile qu’Israël ne l’avait anticipé. Il ne suffit pas, semble-t-il, que les élites et médias occidentaux relaient docilement sa désinformation.
Israël est particulièrement préoccupé par les jeunes – tels que les étudiants sur les campus – qui ne consomment pas des informations filtrées par la BBC ou CNN [ou même BFM, Le Monde, etc.] et ont ainsi une vision bien plus lucide de la situation. Leurs sens et leur sensibilité n’ont pas été émoussés par des années de propagande occidentale.
Ils sont bien moins enclins, par exemple, à croire aux « fausses nouvelles » israéliennes – recyclées et accréditées par les médias occidentaux – qui justifient depuis 15 mois la destruction systématique des hôpitaux de Gaza, ou à adhérer à la désinformation qui insinue qu’un médecin respecté comme Abu Safiya serait secrètement un terroriste.
La genèse de la campagne israélienne visant à anéantir le secteur de la santé de Gaza a débuté quelques jours après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Moins de deux semaines plus tard, Israël a tiré un missile puissant sur la cour de l’hôpital al-Ahli, dans la ville de Gaza. Des dizaines de familles palestiniennes qui s’y étaient réfugiées pour échapper à l’offensive militaire israélienne ont été prises dans l’explosion.
Les médias ont toutefois blanchi cette première frappe contre les hôpitaux de Gaza en relayant, de manière crédible, l’affirmation grotesque d’Israël selon laquelle une roquette palestinienne mal tirée, et non un missile israélien, aurait causé les dégâts [citons par exemple ces ignominieux articles du Monde, de France Info, et même de Human Rights Watch].
L’attaque contre al-Ahli a servi de plan directeur pour un génocide qu’Israël a rigoureusement suivi au cours des 15 derniers mois. Elle a montré aux Palestiniens qu’aucun lieu ne serait épargné par les assauts israéliens, pas même les sanctuaires établis tels que les hôpitaux, les mosquées et les églises. Il n’y aurait aucun endroit où échapper à sa fureur.
Elle a également montré aux dirigeants et aux médias occidentaux qu’Israël était prêt à violer tous les principes connus du droit humanitaire international. Aucune atrocité, aucun crime de guerre ne serait écarté, y compris la destruction du système médical de Gaza. Les soutiens d’Israël étaient sommés de soutenir pleinement cette guerre, peu importe son ampleur.
Et c’est exactement ce qu’ils ont fait.
Ecrans de fumée
Avec le recul, la brève agitation autour de la question de savoir si Israël était responsable de l’attaque contre al-Ahli semble aujourd’hui d’une désuétude cauchemardesque. En l’absence de toute opposition, Israël a intensifié sa « guerre des consciences », créant une bulle de fausses nouvelles visant à associer les hôpitaux de Gaza au Hamas et au terrorisme.
En quelques semaines, Israël a prétendu avoir découvert une « base terroriste du Hamas » sous l’hôpital pour enfants al-Rantisi à Gaza, avec des caches d’armes et un tableau de service en arabe pour les otages israéliens – sauf que ce tableau s’est rapidement révélé être un simple planning inoffensif.
La cible principale d’Israël était l’hôpital al-Shifa, le plus grand établissement médical de Gaza. Israël a publié une vidéo en images de synthèse le représentant au-dessus d’un « centre de commandement et de contrôle du Hamas » souterrain. Une fois encore, les médias occidentaux ont relayé ces affirmations avec crédulité, bien que le bunker du Hamas n’ait jamais été découvert.
Ces mensonges ont pourtant atteint leur objectif. Tandis qu’Israël détruisait les hôpitaux de Gaza et interdisait l’entrée de l’aide médicale, privant ainsi Gaza de toute capacité à soigner les hommes, les femmes et les enfants mutilés par les bombardements incessants, les médias détournaient leur attention de ces crimes manifestes contre l’humanité.
Au lieu de cela, comme Israël l’espérait, les journalistes ont consacré leurs énergies à suivre des pistes fallacieuses, tentant de vérifier chaque mensonge.
Les médias semblaient partir du principe que si le moindre soupçon de complicité entre le Hamas et un seul hôpital ou médecin de Gaza était confirmé, la campagne d’Israël visant à effacer toutes les installations médicales de l’enclave et à priver de soins 2,3 millions de personnes prises au piège de ses champs de bataille serait justifiée.
Fosses communes
Il convient de noter qu’aucun des nombreux médecins occidentaux expérimentés ayant offert leurs services à Gaza n’a déclaré, à son retour, avoir vu la moindre trace des « terroristes du Hamas » armés qui auraient soi-disant infesté les hôpitaux où ils ont travaillé.
Ces médecins occidentaux étaient rarement interviewés par les médias pour contrer la désinformation incessante d’Israël, qui servait à rationaliser la destruction totale des hôpitaux et centres médicaux de Gaza avec un mépris absolu
Les soldats ont envahi les hôpitaux, les détruisant les uns après les autres, saccageant les services, les blocs opératoires et les unités de soins intensifs.
Chaque « évacuation » forcée a laissé derrière elle un cortège de misères. Des bébés prématurés ont été abandonnés à leur sort, mourant de faim ou de froid dans leurs couveuses. Les malades graves ont été contraints de quitter leur lit. Les ambulances venues pour les évacuer ont été détruites à l’explosif. À chaque fois, le personnel médical de Gaza a été rassemblé, dépouillé de ses vêtements et a disparu sans laisser de traces.

Les journalistes occidentaux ont également montré peu d’intérêt pour la découverte de cadavres non identifiés dans des fosses communes improvisées sur les terrains des hôpitaux après les assauts des soldats israéliens – des corps décapités, mutilés, ou portant des marques laissant penser qu’ils ont été enterrés vivants.
Pour ces raisons et bien d’autres, le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a conclu la semaine dernière que les hôpitaux de Gaza, « le seul sanctuaire où les Palestiniens auraient dû se sentir en sécurité, sont en réalité devenus des pièges mortels ».
De même, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé, Rik Pepperkorn, a observé : « Le secteur de la santé est systématiquement démantelé. » L’OMS cherche des traitements urgents et vitaux à l’étranger pour plus de 12 000 personnes, a-t-il ajouté. « Au rythme actuel, il faudrait cinq à dix ans pour évacuer tous ces patients gravement malades. »
Dans une autre déclaration la semaine dernière, deux experts des Nations unies ont averti que la détention arbitraire d’Abu Safiya s’inscrivait « dans le cadre d’une stratégie israélienne visant à bombarder, détruire et anéantir complètement la réalisation du droit à la santé dans la bande de Gaza ».
Ils ont noté qu’en plus des rafles massives, au moins 1 057 professionnels palestiniens de la santé et du secteur médical avaient été tués à ce jour.
Trajectoire vers le génocide
La vérité est que la nouvelle campagne de désinformation d’Israël, mieux financée, ne sera pas plus efficace que les précédentes.
Avi Cohen-Scali, directeur du ministère israélien chargé de la lutte contre l’antisémitisme, a déclaré qu’une décennie de programmes visant à contrer ce qu’Israël appelle sa « délégitimation » – c’est-à-dire la mise en lumière de son régime d’apartheid et, désormais, de son caractère génocidaire – avait produit des résultats « quasi nuls ».
Il a affirmé aux médias israéliens : « Cette initiative a échoué sur tous les plans imaginables. »
Il sera impossible de masquer la réalité d’un génocide. Dans les mois à venir, de nouvelles atrocités israéliennes – récentes et historiques – seront dévoilées. De plus en plus d’organisations juridiques, de défense des droits humains et d’universitaires concluront qu’Israël a commis un génocide à Gaza.
La Cour pénale internationale (CPI) émettra de nouveaux mandats d’arrêt pour crimes de guerre, après ceux visant le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant.
Le week-end dernier, un soldat israélien en vacances au Brésil a dû fuir le pays après avoir été averti qu’il faisait l’objet d’une enquête.
Mais cela ne s’arrête pas là. Les principales organisations de défense des droits humains et les universitaires devront revoir leur compréhension historique d’Israël et de son idéologie fondatrice, le sionisme. Ils devront reconnaître que ce génocide n’est pas survenu de manière inattendue.
La trajectoire a commencé lorsque le sionisme a été établi comme mouvement de colonisation il y a plus d’un siècle. Elle s’est poursuivie avec la création d’Israël en 1948, qui s’est accompagnée d’une opération de nettoyage ethnique massive contre la population palestinienne autochtone. Elle s’est intensifiée en 1967, lorsqu’Israël a institutionnalisé son système d’apartheid, en instaurant des droits distincts pour les Juifs et les Palestiniens, tout en confinant ces derniers dans des ghettos qui se réduisaient comme peau de chagrin.
Sans intervention extérieure, la destination finale d’Israël a toujours été le génocide. Cette trajectoire découle d’une contrainte idéologique profondément enracinée dans les notions israéliennes de suprématie ethnique et de peuple élu.
Une vision à la Mad Max
Même après que la CPI a émis des mandats d’arrêt contre Netanyahou et Gallant en novembre, les dirigeants israéliens ont continué à inciter ouvertement au génocide.
La semaine dernière, huit parlementaires membres de la Commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset ont écrit au nouveau ministre de la Défense, Israël Katz, pour le sommer de détruire les dernières sources d’eau, de nourriture et d’énergie dans le nord de Gaza.
C’est précisément l’acte consistant à affamer la population de Gaza qui a conduit à l’inculpation de Netanyahu et Gallant pour crimes contre l’humanité.
Parallèlement, la destruction de l’hôpital Kamal Adwan ouvre la voie à une nouvelle politique dans le nord de Gaza : ce qu’Israël appelle de manière glaçante la « Tchernobylisation ».
Inspirée par le réacteur nucléaire soviétique de Tchernobyl, cette politique considère la présence palestinienne à Gaza comme une menace comparable à la fuite radioactive de 1986. L’objectif de l’armée est d’effacer toutes les infrastructures palestiniennes, qu’elles soient en surface ou souterraines, à l’image des efforts soviétiques pour contenir les radiations de Tchernobyl.
Où cela mène-t-il ?
Louise Wateridge, responsable principale des situations d’urgence pour l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a souligné ce week-end qu’Israël accélère l’effondrement social complet de Gaza en expulsant l’UNRWA de l’enclave.
Une loi israélienne, qui entrera en vigueur à la fin du mois, interdira à l’agence pour les réfugiés d’opérer à Gaza pour fournir aux familles le peu de nourriture et d’abris encore disponibles, en raison du blocus israélien de l’aide humanitaire.
En l’absence d’hôpitaux, cette loi privera également Gaza de ses derniers services de santé significatifs. Mme Wateridge a noté : « L’UNRWA réalise environ 17 000 consultations médicales par jour dans la bande de Gaza. Il est impossible pour une autre organisation de remplacer cela. »
Le danger qu’elle met en lumière est que Gaza sombre dans un état de totale anarchie. Les familles se retrouveront confrontées non seulement aux bombes israéliennes, aux drones assassins et au programme de famine, mais aussi à la domination dystopique de gangs criminels.
C’est exactement ce qu’Israël prévoit pour Gaza. Comme l’a révélé un rapport publié dans Haaretz la semaine dernière, après la « Tchernobylisation » du nord de Gaza, Israël envisage de laisser deux grandes familles criminelles palestiniennes gouverner le sud. Il s’agirait probablement des mêmes gangs qui pilleraient les rares camions d’aide qu’Israël autorise à entrer dans Gaza, contribuant ainsi à priver la population de nourriture et d’eau.
La vision d’Israël pour l’avenir de Gaza est un croisement post-apocalyptique entre la franchise cinématographique Mad Max et le roman La Route de Cormac McCarthy.

Un alibi officiel
La trajectoire vers le génocide est peut-être inscrite dans l’ADN du sionisme, mais c’est aux dirigeants occidentaux, aux médias, au monde universitaire, aux groupes de réflexion et même aux organisations de défense des droits humains qu’a été dévolu le rôle de prétendre le contraire.
Ils ont passé des décennies à défendre des assertions qui auraient dû être discréditées depuis longtemps, telles que « Israël n’a jamais été qu’un sanctuaire pour protéger les Juifs de l’antisémitisme », « c’est la seule démocratie au Moyen-Orient », « son occupation est largement bénigne », « ses colonies illégales sont une mesure de sécurité nécessaire », et « son armée est la plus morale du monde ».
Ces fictions s’effondrent plus vite que la désinformation israélienne ne peut espérer les recoudre.
Alors pourquoi continuer ? Parce que la « guerre des consciences » menée par Israël ne s’adresse pas principalement à vous et moi. Elle cible les dirigeants occidentaux. Il ne s’agit pas de les convaincre de quoi que ce soit : le Premier ministre britannique Keir Starmer sait parfaitement qu’un génocide est en cours à Gaza, tout comme Donald Trump, le futur président des États-Unis [ou même Emmanuel Macron].
Ils s’en moquent éperdument, notamment parce qu’il est impossible d’atteindre le sommet du système politique occidental sans adopter une vision sociopathique du monde. Il y a un complexe militaro-industriel occidental à apaiser et des entreprises occidentales à servir, des entreprises qui exigent de maintenir leur domination sur l’extraction des ressources mondiales.
C’est pourquoi, dans les derniers jours de sa présidence, n’ayant plus rien à gagner en termes de votes, Joe Biden a abandonné la prétention de « travailler sans relâche pour un cessez-le-feu » ou d’exiger qu’Israël laisse entrer au moins 350 camions d’aide par jour. Au lieu de cela, il a annoncé, en cadeau d’adieu à Israël, une nouvelle livraison d’armes d’une valeur de 8 milliards de dollars, comprenant des munitions pour des avions de chasse et des hélicoptères d’attaque.
Non, l’objectif de la campagne de désinformation israélienne est de fournir une couverture. Il s’agit de brouiller suffisamment les pistes pour masquer le soutien des dirigeants occidentaux au génocide, leur fournir une excuse pour continuer à envoyer des armes et les aider à échapper à un procès pour crimes de guerre à La Haye.
L’objectif est la « dénégation plausible » : pouvoir prétendre que ce qui était évident ne l’était pas vraiment, que ce qui était clair pour les spectateurs ordinaires ne l’était pas pour ceux directement impliqués.
Les dirigeants occidentaux savent qu’Israël a emmené Abu Safiya – l’un des grands médecins de Gaza – dans l’un de ses camps de torture, où il est presque certainement affamé, battu par intermittence, humilié et terrorisé, comme les autres détenus.
Le travail d’Israël consiste désormais à affaiblir et à détruire sa résilience physique et mentale, tout comme il a démantelé les hôpitaux de Gaza.
Le but d’Israël n’est pas d’éradiquer « les terroristes » mais de transformer Gaza en un désert, un paysage d’enfer, où aucune personne de bien, aucune personne qui se soucie des autres, aucune personne tentant de s’accrocher à son humanité, ne peut survivre. Un lieu où les médecins n’existent plus, où les travailleurs humanitaires ne sont qu’un souvenir, et où la compassion est une faiblesse ; un endroit gouverné par des chars et des gangs criminels.
Le rôle de la classe politique et médiatique occidentale est de rendre tout cela aussi routinier et normal que possible. Leur travail est de nous anesthésier, de vider notre capacité à nous soucier des autres ou à résister, de nous engourdir. Nous devons leur prouver qu’ils ont tort – pour le bien du Dr Abu Safiya et pour le nôtre.
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